Le début de la nouvelle

«Enfin le large, la libération ! De l’air, du bleu, une nouvelle partance ! Enfin, j’émerge et reprends mes esprits.

Il faut dire qu’après nous avoir fait trimer sans trêve pendant des lustres, notre capitaine avait brutalement baissé pavillon et mouillé près des côtes. Un hivernage de plusieurs mois qui frisait l’assignation à ber, voire la mise à sec définitive.

Et ça, après des décennies d’esclavage, où nous devions être partout à la fois : sur le pont, en haut du mât de misaine, à la vigie et aux machines, aux cartes et à la barre. Jour après jour, nuit après nuit, trois cent soixante-cinq jours et nuits par année, bon an mal an.

Une vie de galérien – j’exagère à peine – à ramer, ramer, encore ramer ! Répondre présent à chaque instant. D’ailleurs, pas seulement présent : il fallait être rapide et pointu – sharp , comme elle disait doctement. Et répondre juste, toujours juste. Aucun droit à l’erreur. Non ! Clarté-lucidité-pertinence, telle était sa devise. Y a pas de temps à perdre, la vie est courte, le monde vaste et étranger, faut y aller les gars, et plus vite que ça !

L’enfer, quoi ! »