Le début de la nouvelle

"Tessa pousse un soupir de contentement en reposant sa cuillère. Cette panna cotta est divine, sans doute la meilleure qu’elle ait eu l’occasion de déguster. Elle lève les yeux vers Alan, qui termine son espresso en fumant une cigarette. Dans cette ruelle adjacente à la Place Saint-Marc, l’absence de foule l’étonne. Venise n’est-elle pas réputée pour ses cohortes battant ses pavés, été comme hiver ?

- On demande l’addition ?

Alan hèle un serveur de loin et fait un signe de la main. Celui-ci comprend et ne tarde pas à amener la facture.

- On partage ?
-Tu as pris un dessert et des calamars en entrée… rappelle Alan, gêné.

Tessa, agacée, prend la note des mains d’Alan et compte ce qu’elle doit au centime près. S’il y a bien un trait qu’elle ne supporte pas chez cet homme, c’est sa radinerie. Certes, son métier de journaliste indépendant ne lui rapporte pas beaucoup, mais son insistance à ne jamais payer plus que ce qu’il a consommé lui porte sur les nerfs. Cependant, elle se tait et gratifie même le serveur d’un généreux pourboire. Elle a envie de compenser les faiblesses de caractère de son amant.

Après quelques pas, ils se retrouvent sur une place Saint-Marc presque déserte. Elle en a un frisson, la sensation étrange que quelque chose cloche.

- Tu veux visiter le Palais des Doges ? Profitons-en, ça a l’air désert…

- Non, je n’en ai pas très envie.

- Alors prenons un vaporetto jusqu’à Burano. Tu m’as dit que tu rêvais d’admirer ses rues multicolores.

(...)

Après avoir enfilé sa robe, elle sort s’aérer sur la plage. Tout comme la place Saint-Marc, le Lido est désert. Elle avance dans le sable, pieds nus, pour rejoindre la mer. Elle contemple l’horizon, le bleu, ses nuances, de l’émeraude au profond, les teintes du ciel, les couleurs de l’eau, tout cet azur intense. Trop intense. Trop parfait. Quelque chose ne semble pas naturel. Elle ne peut se défaire de ce sentiment. Soudain, sa vision vire au noir et elle a l’impression de tomber dans le vide."