La disparition
CHF 5.-, CHF 15.- ou CHF 80.-
Un homme sans nom dans un bordel de robots du bout du monde. Pour lui, tout a commencé lorsque sa femme a demandé l’achat d’un « robot ménager ». Le début de sa fin.
Texte: Pierre Crevoisier
Illustration: Laura Dudler
- T'es un drôle de mec, toi!
Elle m'observait du coin de l'œil, l'œil droit, le seul qui fonctionnait encore. Le reste était en bon état. Trois seins ronds et fermes, des hanches larges comme des plages de sable, un cul majuscule, une bouche cerise, et ses mains, surtout ses mains, dessinées comme un pulpito, à huit doigts. Huit tentacules experts qui, après la gêne initiale, la seconde de dégoût, plaisaient aux hommes. Avec moi, ça n'avait pas manqué. Il avait suffit qu'elle m'entreprenne, les pantalons à peine tombés sur les chevilles, mon pénis éteint, une main dessous, une main dessus, seize bras minuscules autour, pour qu'il ressuscite.
Elle avait une silhouette de sirène. C'est la raison pour laquelle je l'avais choisie elle, parmi les autres androïdes de ce bordel du bout du bout du monde. D'ailleurs, était-ce encore le monde, ici, au cœur de l'Anormal? Il m'avait suffit de voir l'état des robots sexuels qu'on m'avait proposés. Certains n'étaient plus qu'une vulve et un cul posés sur un plateau. D'autres avaient encore leurs jambes, enveloppées de bas résilles. On devinait parfois, à la taille des jarretelles, fines et longues, qu'elles avaient appartenu à des copies pirates de mannequins célèbres, oubliées depuis longtemps. Le haut du corps avait été recyclé. Il existait une filière des culs de robots dont on imaginait qu'ils pouvaient encore servir aux maisons closes de l'Anormal. Ici, on sentait bien qu'on était en bout de chaîne. La plupart laissaient s'échapper des bouts de fils dénudés, des mécaniques apparentes qu'on ne prenait plus la peine de cacher, encore moins de réparer. Le plus drôle était ces morceaux de robots dont on ne conservait qu'un bras articulé, une main en leur extrémité : quelques phalanges suffisaient pour qu'ils restent sur le marché de la baise pauvre. "Pour ce que les mecs demandent ici, la majeure partie du temps, il suffit d'une main qui ne soit pas la leur pour qu'ils aient l'impression d'être aimés", avait dit la tenancière du bouge.
Puis j'avais aperçu la sirène, sa poitrine multiple, l'amplitude de son cul. Elle n'avait plus qu'un œil, mais le reste valait le détour.
-T'es un drôle de mec, toi!
Informations complémentaires
Choix | La sérigraphie + le livret + le podcast, Le livret + le podcast, Le podcast seul |
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Description | La collection des déjantérotiques est proposée en trois options: L’audio L’imprimé La sérigraphie |
ISBN | 978-2-940742-01-1 |
David –
A l’écoute du podcast, une écriture fine, très précise, descriptive et prenante. Le trait dystopique de l’auteur sur ce qui nous attend peut-être un jour m’a touché. Quand les robots auront un peu plus humanisé leurs circuits, cette nouvelle pourra être qualifiée de visionnaire. En attendant, la poésie de Pierre est bien ancrée dans cette époque tourmentée, noire, inquiétante et sa voix sur cette musique doucement inquiétante d’Alain Tissot me donnent envie de lire le texte maintenant.
Lele –
J’ai A-DORÉ !! Podcast avalé en une traite! J’ai rigolé et par moment ri tellement si fort que j’ai craint de réveiller mes voisins…
Wouahou !!! Tu peux bien parler de «déjantÉrotiques » ! Mais quel régal !!! Quel imaginaire riche et profond !! Épatant ! Original ! Drôle!!
Tordue ou pas, j’ai savouré !!! Parce que, incroyablement, une fois passé le cap du « je déglutis difficilement après l’idée des 3 seins… & le pauvre seul oeil valide de la sirène ( c’est quand même une sirène… donc jolie…) sans oublier l’ambiance fantasque et glauque du bordel électroménager… », IMPOSSIBLE de se détacher du récit de M. sans nom face à Mme « 22 orgasmes ma 1ere nuit avec un humanoïde 😅». Entre la saveur des mots gourmands et le côté abracadabrant… associé à l’imaginaire émotionnel insoupçonné des humains, profondément creusé dans les temps et la New tech… si bien décrit, les délices du sarcasme Anatolien et ce ton qui garnit l’histoire d’une saveur… éblouissante !!! Sublime nouvelle SF !!!
Diegito –
De silicium et de silicone, le sexe est-il synthétique ? Il faut se faire effacer pour l’apprendre. Un Total Erase sauce Tatooine, délicieux.
Martine Beguin –
Pierre Crevoisier sait faire image. Nous entraîner dans des récits aussi vraisemblables qu’improbables, avec humour et émotion. Et puis il y a chez lui ce goût des mots, un rien baroque. Des mots coquins ici, qui nous titillent et qu’on savoure avec bonheur.
Sylvie Cohen –
Le futur de notre sexualité …le combat perdu d’avance de l’humain contre l’humanoïde…imagination ou anticipation ? On lit, on écoute l’écriture, on déguste les mots gourmets et gourmands de Pierre Crevoisier. Pour ma part j’y ai pris beaucoup de plaisir.